Mourir pour la terre
C’est mourir pour la vie
Tel est le sens de mon engagement dans ce combat pour la protection et la maitrise du foncier agricole en Martinique. Cet engagement remonte bien avant la fondation de l’assaupamar qui a déjà trente ans d’existence. Il a été façonné dans les multiples contacts que, très jeune, j’ai eu avec les paysans de la génération de mon père et de mon oncle pour qui la Terre était essentiellement un lieu de construction et de rassemblement des familles, alliées et amis mais encore un espace de production de vivres nécessaires à l’alimentation saine et durable de tous ces gens et éventuellement de ceux de l’extérieur.
Une telle démarche préfigurait le développement durable et solidaire par ses aspects de lien social et culturel et sa dimension économique et écologique puisque qu’à cette époque les pratiques culturales ne faisaient pas appel aux intrants nuisibles au sol. La Terre comme lieu sacré incontournable pour perpétuer la vie tel est cet héritage qui m’a été donné, que j’ai la charge de transmettre. Cette vision est à l’opposé de la vision mercantiliste, spéculative de la Terre qu’ont toujours affichée les descendants d’esclavagistes et l’Etat en Martinique. C’est bien au nom de cette conception que l’Etat se trouve responsable de l’empoisonnement de nos terres agricoles par les pesticides au premier rang desquels, a été signalé le chloredecone pour sa haute dangerosité. Et pour ne pas sortir de l’époque de la colonisation, l’Etat a fait ce choix pour satisfaire la voracité et les appétits financiers des descendants d’esclavagistes qui malheureusement trouvèrent des complices dans la classe politique en Martinique.
C‘est encore au nom de cette même conception que se poursuit la dilapidation des terres agricoles ainsi que leur massacre par l’implantation des centrales photovoltaïques dont le jus généré grâce à la défiscalisation est estimé beaucoup plus épais et moins coûteux que toutes autres sortes de jus de canne ou de banane. Aujourd’hui une fois de plus, on a trouvé un élu qui monte au créneau pour justifier le massacre effectué à Bonne Mère, Ducos, sur des terres agricoles en déclarant qu’il s’agit là de 15 hectares qui seront libérés pour l’agriculture dans vingt ans. Ignorance ou aveuglement !
Il s’agit de vingt ans de perte en productions agricoles et en biodiversité, quelle assurance a-t-on que ces quinze hectares de terres ne seront pas rendus stériles ? L’intelligence écologique, si tant est que cela pourrait exister chez certains ne pourrait-elle pas conduire à chercher à transformer le grand parking de Génipa ainsi que l’assiette foncière de ce dit centre commercial en une vaste centrale photovoltaïque. C’est cela que j’avais préconisé dès 2005 alors qu’on venait de remblayer l’emprise foncière englobant le parking et le centre commercial. Je renvoie le lecteur aux pages 220, 221, 222, de mon livre « l’écologie ou la passion du vivant paru en 2008 chez l’harmattan »
Je me retrouve ici pleinement dans la lignée de Frantz Fanon : « la Terre est la matrice matérielle de notre patrimoine c’est elle qui nous donne le pain et la dignité. Par ces mots, il réaffirme ce que les aînés m’ont appris c’est- à- dire l’amour de la vie à travers la terre.
Je profite pour saluer le président de l’Assaupamar qui lors de la discussion ce samedi 16 octobre 2010 en préfecture, déclarait au représentant de l’Etat « nous trahirions notre mission si nous laissions continuer le massacre de nos terres »
J’ai beaucoup de respect pour les responsables des organisations agricoles qui depuis le 19 Septembre 2010, à Grand Fonds, au Marin, ont affiché publiquement une unité forte, transgressant les querelles intestines comme pour faire remarquer que le combat pour la terre est un enjeu politique qui dépasse les jeux de politique politicienne, tout en exigeant que ce bien sacré soit sauvegardé et maîtrisé.
J’en appelle à la vigilance et à la clairvoyance des responsables syndicaux pour qu’ils comprennent que le combat pour la terre englobe toutes autres luttes car la terre est bien synonyme de « pain et de dignité ».
A la vieille du mouvement du 26 Octobre 2010 je leur demande d’intégrer cette donnée dans leur schéma et leur calendrier.
J’en appelle aux élus pour qu’ils se souviennent que leur devoir est d’améliorer le bien être des générations actuelles tout en cherchant à rendre meilleur celui des générations à venir. J’en appelle aux intellectuels et au peuple, qu’ils sachent que nul ne peut avoir le monopole de la protection, de la maîtrise du foncier. Celles-ci doivent être la tâche de tout citoyen martiniquais.
A quelques heures du procès qui oppose l’Assaupamar et l’Etat français à propos de l’implantation des centrales photovoltaïques je souhaite que l’unité du monde agricole se renforce pour montrer la voie d’une nouvelle dynamique solidaire autour de laquelle la gestion et l’administration du foncier tant réclamées depuis 1870 trouvent une issue durable et profitable au peuple martiniquais.
Garcin Malsa
Martinique- Caraïbes
Fait à Saint Anne, Martinique le 17 Octobre 2010
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