La
fièvre politico-médiatique déclenchée par les affairistes de
l’agriculture autour de la fameuse dérogation à l’interdiction de
l’épandage aérien sur les bananeraies relève d’une manœuvre de diversion
bien calculée de la part des gros planteurs de Martinique auxquels se
sont honteusement et coutumièrement associés certains élus martiniquais.
Malgré
le grave et douloureux antécédent lié au chloredécone, malgré les
rappels incessants du corps médical attestant la corrélation entre les
pesticides utilisés dans les bananeraies et les anomalies
endocriniennes, malgré les toutes dernières condamnations judiciaires
d’une firme agro-chimique pour avoir livré des pesticides à des
agriculteurs en France sans les avertir sur les dangers encourus lors de leur
utilisation, on a du mal à croire qu’il y a des réticences à s’opposer
avec fermeté à l’épandage aérien d’un produit dont on sait les dangers
sur le vivant.
D’ailleurs
le simple fait que le législateur, après concertations multiples et
approfondies auprès d’experts avérés, ait pu interdire l’épandage aérien
devrait guider notre bon sens à le refuser pour la Martinique
dont les sols, les rivières, l’eau, les vies humaines en ont déjà fait
les frais de façon irréversible dans beaucoup de cas. Ajoutons à cela
que l’exiguïté, la topographie de notre pays balayé constamment par les
alizés, et enfin la répartition des cultures bananières sont autant
d’éléments pour botter en touche cette demande de dérogation.
Que cache cette obstination morbide des gros planteurs et alliés ainsi que ces tergiversations absurdes de certains élus ?
En
réalité depuis la décennie 90 marquée par une prise de conscience
populaire au sujet des effets néfastes des pesticides sur les eaux, les
sols, et le vivant, les représentants de l’agro-industrie en Martinique
qui sont en même temps des gros planteurs ont mis en place une technique
médiatique pour relayer une stratégie pernicieuse à l’égard des
agriculteurs notamment ceux qui font de la banane. Au nom de cette
stratégie économico-mercantiliste, ils font accroire avec assurance et
autorité aux martiniquais que si leur méthode, qui est la meilleure
n’est pas acceptée pour maintenir la culture de la banane, c’en est fini
pour l’économie de la Martinique, c’est la crise sociale, c’est la fin du développement du pays.
Que d’arrogance ! Que de prétention ! Que de mépris !
Serions-nous
revenus au système de plantation ? Ou aurions-nous encore la capacité
de démontrer que l’argent ne peut remplacer notre dignité tout comme la
dépendance à l’autre ne peut être confondue avec la fierté de vivre de
son travail et d’être soi même ?
En
vérité, il y a une volonté manifeste et constante des gros planteurs de
banane de refuser toute diversification agricole au profit de la
monoculture bananière qui est massivement subventionnée par l’Europe et
dont une large part des subsides récoltées sont injectées dans d’autres
secteurs économiques et plus spécialement les services en Martinique et
en dehors de la Martinique. De surcroit, les conteneurs
remplis de produits importés qui arrivent au port de Fort de France
repartiraient vides s’il n’y avait pas cette production bananière dont
la réception et la vente en Europe sont faites sous la gouverne de ces
mêmes gros planteurs qui sont actionnaires dans les firmes
agro-industrielles qui fabriquent les pesticides déversés massivement
dans les champs.
Pourquoi
donc voudrait-on que le lobby bananier en Martinique ait une autre
voix, et une autre stratégie que celle qu’il infiltre dans le peuple
aujourd’hui ? Pourquoi serait-il défenseur de la diversification
agricole dont tous les rapports d’experts reconnaissent comme
alternative crédible pour la Martinique ?
Dans
une étude commanditée par le Conseil Général auprès de l’Institut de
Recherche et de Développement (IRD) et publiée en 2004, « il ressort que
cette culture (il s’agit de la banane) est fondée sur l’utilisation
massive d’engrais et de produits phytosanitaires (insecticides,
nématicides, fongicides). Elle est à l’origine de la pollution des sols
et des rivières de la Martinique. La population est de plus en plus consciente de la rémanence et du caractère dangereux pour la santé des produits employés.
L’évolution vers d’autres systèmes de cultures est incontournable pour les producteurs (agriculture raisonnée, biologique). »
En
plus de cette étude tout indique que nous avions depuis la décennie 90
des arguments incontestables pour mettre en œuvre une politique agricole
durable :
1°) La volonté d’une catégorie d’agriculteurs de se reconvertir et de s’orienter vers l’agriculture durable et biologique ;
2°)
L’orientation affirmée des programmes européens vers une agriculture
propre et intelligente ainsi que le déblocage préférentiel des
subventions pour encourager ce type d’agriculture ;
3°) Le coût à la production de plus en plus élevé de la banane martiniquaise qui n’arrive pas à concurrencer sur le marché la
banane dollar dont le bas coût à la production et les superficies
plantées sont sans commune mesure avec ce qui est pratiqué en
Martinique. Et l’on comprend mieux par cet aspect seulement pourquoi la
banane de Martinique ne peut résister qu’à coup de subventions hyper
gonflées ;
4°)
Les effets ravageurs des produits phytosanitaires consommés par la
culture conventionnelle de la banane sur le sol, les eaux des rivières,
de la mer, des sources, l’air et la santé humaine ; sans compter que
l’usage inconsidéré des produits chimiques entraine des effets
secondaires tels que l’induction de résistances aux fongicides de la
part des agents pathogènes, la formation de souches plus virulentes que
les souches locales.
Aussi, nous refusons d’être pris pour des imbéciles par ceux des élus qui nous disent qu’il
faut mettre en place un groupe de travail (qui devra se promener en
hélicoptère pour voir comment se fait l’épandage) et d’attendre les
résultats du groupe d’experts scientifiques qui analysent la dangerosité
des molécules actives de propiconazole et de difénoconazole contenues
respectivement dans le Tict 250 et le SICO.
Nous sommes dans le cas d’une exigence non négociable.
Cette exigence est de deux ordres :
-
Il s’agit de mettre en place les conditions d’une agriculture durable
pour donner à notre peuple l’assurance de se nourrir sainement ; tout
concourt en faveur d’une mise à exécution immédiate de cette première
exigence, c’est maintenant qu’il faut se lancer dans cette voie et ne
pas se laisser piéger par ceux dont la seule vision mercantiliste de
l’agriculture nous a toujours renvoyé à plus tard. Au prétexte que
ni l’agro-écologie, ni une autre forme d’agriculture propre et durable
ne pourraient remplacer la monoculture conventionnelle de la banane
quant aux emplois créés et aux produits financiers récoltés, on a
persisté à détruire la biodiversité de nos sols, nos rivières et notre
littoral, la qualité de notre air, à coups de produits phytosanitaires
dont le danger encouru était déjà reconnu.
-
Il s’agit aussi de faire la pertinente corrélation entre une
agriculture propre et intelligente et la santé des martiniquais. Cette
exigence non négociable qu’est la protection de la santé de notre peuple
passe nécessairement par ce avec quoi il se nourrit, ce qu’il mange et
qu’il respire. Or ces nutriments proviennent prioritairement de son
environnement, de ce que lui procurent l’air, le sol, l’eau et la mer.
Si ces éléments sont pollués, la santé sera inéluctablement perturbée.
Le
débat sur les effets des pesticides utilisés en agriculture sur la
santé des populations est à ce point édifiant. Plus traumatisant sont
encore des résultats de recherches qui attestent les liens avérés entre
certaines formes de cancers et la consommation de produits agricoles
contaminés par des pesticides connus pour leur dangerosité. L’affaire du
chloredécone n’est qu’un épisode d’une histoire que les experts de la
santé et de la médecine sont gênés de déployer pour éviter de créer trop
de traumatismes. Et pourtant n’est-il pas souhaitable de définir les
coupables pour servir d’exemple et inciter les citoyens à être attentifs
à rendre l’économie plus humanisée à partir d’une agriculture plus
écologique.
Dès
lors le refus d’interdire l’épandage aérien des pesticides sur des
cultures bananières relève d’un acte qu’il convient de qualifier de
CRIMINEL ; et le mot n’est pas trop fort compte tenu de ce que l’on sait
des dégâts et perturbations engendrées par l’utilisation des pesticides
dans l’agriculture conventionnelle.
Au
lieu de gloser inlassablement sur des détails de l’épandage aérien des
pesticides dont on sait par avance les dangers ; au lieu de continuer à
faire des dépenses pour réunir des experts payés pour la plupart à
défendre une cause indéfendable, il est préférable de se reporter aux
solutions intéressantes qui ont été trouvées à Cuba pour lutter contre
la cercosporiose noire qui a sévi dans les bananerais depuis 1990. Dans
cette île où la lutte biologique contre les maladies des cultures est
très développée, un fongicide naturel F20 contre la cercosporiose noire a
été mis en circulation. Ce produit F20 est composé de deux
antibiotiques issus des microorganismes du genre streptomyces.
Pour illustrer le tout et rendre plus acceptable et compréhensible toutes
démarches au sujet de l’agriculture comme secteur fondamental au
développement de notre pays il convient plus que jamais de réfléchir en
termes de projet global pour le pays Martinique. Bien sûr ce
projet global doit considérer notre existence au monde et plus
spécialement notre intégration dans notre espace naturel
Amazono-Caribéen ; car un peuple ne se développe pas dans l’autarcie.
Ce projet global
pourrait s’appuyer sur une économie centrée sur des produits
biologiques diversifiés avec un label Martinique Bio. Nous le disons car
nous le pouvons à partir de l’expertise que nous avons en développement
durable et solidaire.
Allons,
chers élus martiniquais, de toutes tendances politiques confondues,
faisons peuple pour bloquer toute tentative du Préfet de céder aux
pressions du lobby bananier. Il est temps , grand temps de comprendre
que notre devoir d ‘élus martiniquais est de faire passer l’intérêt du
peuple martiniquais, surtout quand il s’agit de sa santé, avant des
intérêts de particuliers ou de ceux d’un groupe.
Soyons audacieux et courageux car le peuple nous observe et les générations futures ont besoin d’actes exemplaires.
Si
le Préfet persiste à refuser de suivre les remarques des citoyens
martiniquais consignées à l’enquête publique et qui démontrent qu’ils
tiennent à leur santé, j’invite les Présidents du Conseil Régional et du
Conseil Général à lancer un référendum d’initiative locale où les
martiniquais auront à répondre par oui ou non à la question suivante :
Voulez
vous que l’épandage aérien de pesticides, dont on connaît les
conséquences sur la santé, soit fait sur les bananeraies en Martinique ?
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